Ains [SM]

Tes mots ont à peine quittés ta bouche, que déjà le silence retombe dans la pièce. Tu te fais la réflexion qu’il ne fait pas sombre dans votre chambre, on y étouffe, littéralement. Pas à cause de l’absence de lumière, mais bien de ce lien qui vous unissait, toi et ton voisin de droite. Blake. Tu n’as pas prononcé son prénom depuis des mois, pas de vive voix, tu l’avais même rayé de ton vocabulaire lors des semaines suivant l’attaque. Comme s’il était devenu ton ennemi, comme s’il était le monstre dans l’histoire. Mais c’est faux, tu le sais, lui aussi. N’est-ce pas ? Le doute persiste, alors tu as osé, tu as fait le premier pas. Tu ne peux pas nier que tu te sens coupable vis-à-vis de lui, de l’avoir forcé à faire un choix qu’il ne voulait pas même considéré, de l’avoir rejeté alors qu’il avait assurément besoin de toi tout autant que Fennel, de ne pas avoir été présent lors de ce bref mot qu’on a daigné offrir aux « coupables » du 2 mai. Tu aurais te tenir droit, près de lui, lui tenir la main ou l’épaule et le soutenir. Toi, ta mère vit toujours. Toi tu n’as perdu qu’une fiancée, qu’une petite sœur de cœur, mais c’est comme si tu avais perdu la moitié de Raphaëlle. Il ne te reste plus grand-chose niveau sœur de toute manière, Delilah ayant été fauchée et Phaelle n’étant plus réellement elle-même. Tu regrettes, depuis déjà plusieurs semaines, encore de nuit, à l’observer, à deviner quand il pleurait et quand il se contentait de fixer le mur. De peur de te regarder probablement. Vous ne vous parlez plus, vous ne vous regardez plus et la vérité c’est que ça te tue lentement, mais surement.

Alors tu inspires lentement, tu n’oses pas fermer les yeux, de peur que le visage de la mangemort revienne, qu’elle prenne les traits de la mère de ton ami, encore trop loin et pourtant si proche. « Je sais que c’est un peu tard… Mais je suis sincère. » Tu hésites à en dire plus, te redresse un peu dans ton lit et le fixe, dans l’espoir qu’il te regarde aussi. Parce que tu veux lui faire face, tu sens que tu dois forcer le chemin, que tu n’as pas le choix : si vous ne vous faites pas face, vous n’y arriverez jamais ! Or, tu n’en peux plus, ça te tue de le voir pleurer la nuit, de ne pouvait que serrer les poings, que regretter. Si c’était Phaelle qui t’avais parlé de la situation, qui t’avais parlé de ses remords, de ses regrets, tu sais quel conseil tu lui aurais donné : va demander pardon. Alors il est temps de mettre en pratique ta sagesse personnelle. Tu tires doucement sur un bout de l’édredon et dans l’air lourd, tu chasses le silence à nouveau d’une voix douce mais pourtant hésitante : « Blake je… je ne savais pas comment te parler après ça… » Tu te sens vulnérable, c’est comme si tu t’ouvrais le ventre et exposais tes tripes, sans savoir ce qu’il en ferait. Non pas que tu considères Blake différemment aujourd’hui, tu as toujours confiance en lui, mais ça tu ne le savais pas il y a encore trois mois. À ce moment, tu aurais même été prêt à le soupçonner de traitrise aussi, à cause de la colère, de ta propre culpabilité. Or, si tu n’es pas encore guéri, tu as cessé de le blâmer. « C’était tes parents, même s’ils avaient fait le mauvais choix… je n’aurais pas dû te forcer la main… je n’aurais pas dû… » tes yeux le cherchent, fouille l’obscurité, dans l’espoir de le voir se tourner, de voir son regard se lever vers toi, même s’il ne fait pas très clair. « Je ne voulais pas t’abandonner… mais je l’ai fait. J’ai été nul… et ça me dévore de l’intérieur » que tu termines dans un souffle, inquiet et épuisé. Coupable comme jamais, surtout quand tu avoues tes fautes, pauvre idiot.