Fitna [OS]

Debout, bien droite, sur la glace, la jeune femme observait attentivement son équipe glisser sur la patinoire. Tout semblait aller au ralentit dans son esprit, ce n’était pourtant qu’un effet dû au stress, à la nervosité, mais aussi à l’excitation, parce qu’ils y étaient enfin. La finale était à eux, la victoire serait leur, il n’y avait pas d’autre possibilité. Elle avait travaillé trop fort, non en fait, ILS avaient tous travaillés trop fort pour perdre face au vert, une insulte oui ! Qu’est-ce qu’un esprit libre venait foutre sur la glace hein ? Ils n’avaient qu’à aller rêver ailleurs, qu’à se proclamer libre de tout, y compris de jouer au hockey, sur un autre bout de glace, ici, l’équipe des Svarog comptait gagner. Ils avaient passés des heures à chaque semaine sur la glace, bravant le froid et les tempêtes, sacrifiant des heures de plaisir personnel pour être à la hauteur de cette finale, de cette victoire qu’ils pouvaient tous sentir au bout de leur doigt. Qui rythmait leurs cœurs à tous, oui les Svarog ne formait qu’un en ce moment même, mais c’était parce que chacun de ses membres lui était vital. Et ça, Fitna en était fière, comme sa mère semblait parfois l’être en les regardant, son frère et elle. Pas pour s’approprier leurs mérites, mais parce que c’est sous sa présence, influencé par ses choix, guidé par sa voix, qu’ils avaient fait leurs preuves. Qu’ils étaient tous les deux devenus ce qu’ils étaient. Oui, la fierté Todorova de Fitna portait jusque sur les membres de son équipe, des individus qu’elle aimait étonnement, sans inquiétude. De terminer blesser, d’être bafoué, d’être trahis. Elle était ici à sa place et rencontrant le regard de sa complice de toujours, de cette presque sœur, celle avec laquelle elle c’était le plus entrainé, jusqu’à peaufiné leurs jeux et tactiques au maximum, peuplant les rêves de la rousse de rondelle et de patinoire, même quand elle n’y était pas, un sourire gagna ses lèvres. Ils gagneraient, elle le savait.

Elle aurait pu se contenter de regarder Maja, de compter sur son soutient, de lui indiquer les membres adverse à éliminer, mais ça aurait été mal connaitre Fitna, que de croire que sur la glace, elle gardait les mêmes habitudes que lorsqu’elle retirait ses patins. Non, ici, sur l’espace gelé, elle n’était pas que la meilleure amie de la fille aux cheveux de jais, de cette naine adorable mais assoiffé de sang, elle était un membre de son équipe. Plus que d’en être la capitaine, elle était l’une des leurs, pas meilleur, pas plus spéciale, en fait il n’y avait que sa voix qui différait, portant sur la glace, porté par le vent s’engouffrant entre leurs jambes et promettant une partie digne de ce nom aux quelques spectateurs ayant osés braver le froid. Son bâton levé vers le ciel, tourmenté par les humeurs capricieuses des nuages, lourds de neige probablement, la voix de la fille se mit à tonner avec assurance le slogan qu’elle avait habitué son équipe à utiliser : « Svarog ! Faites couler le sang sur la glace ! » et tous en chœur, l’équipe lui répondait d’un cri, d’un rugissement oui. Transporté par le vent, ce même cri aurait une allure monstrueuse, mais les sapins n’avaient heureusement pas d’oreille pour entendre et trembler de frayeur. Le premier coup de sifflet fut donné et déjà les joueurs se mirent à décrire des cercles, des zig-zags compliqués, se croisant pour se passer la rondelle, aussi capricieuse que le ciel. Alors que Fitna filait sur la glace, que le froid lui mordait les joues, elle gardait en tête les nombreux plans mis en place. Ils se connaissaient dorénavant tous bien, son équipe et celles adverses, le vicieux de certains joueurs, la cruauté d’autre, la rapidité de certain, tout était étudié avec soin et si on disait des Svarog qu’ils s’emportaient trop vite, il ne fallait pas croire qu’ils ne feraient pas leur devoir, eux aussi.

C’est donc avec assurance que Fitna vit l’un de ses deux défenseurs repousser l’ennemi, rejetant la rondelle enchanté en direction du bâton de Majken, bâton habile, bâton nerveux, qui eut tôt fait de maitriser le détestable objet noir, sautillant presque sur place, impatient de filer ailleurs. Évitant une épaule costaude, la rousse ne put toutefois pas faire grand-chose du deuxième bras l’attendant à moins d’un mètre de là, celui-ci la faisant presque chavirer sur le côté, mais surtout serrer les dents. Entre-temps, sa meilleure amie avait perdu la rondelle, mais s’acharnait à la reprendre, aidé du centre, alors qu’un coup de sifflet retentissait plus loin, faisant tourner la tête de la capitaine, pour apercevoir son défenseur de droite redresser sa main vide et glisser à reculons sur la glace. Près de lui, l’un des verts était agenouillé, un peu de sang s’échappant de sa bouche pour goutter sur le sol. Au hockey, le sang était une arme à double tranchant, capable du pire, soit de retirer des joueurs, de vider la glace des lames acérées. Déjà, les joueurs étaient examinés, Fitna se rapprochant tout naturellement, pour vérifier que son camarade était bien portant, que des deux, il ne saignait pas, mais surtout, qu’il ne portait aucune goutte carmine sur son uniforme, d’un blanc où le violet se faisait électrisant. L’autre joueur, l’ennemi à abattre, l’ennemi à saigner oui, se contentait de cracher son sang au sol, tentant en vain d’atteindre les patins du Svarog. Fitna eu tôt fait d’écarter un peu plus son joueur, les sourcils froncés, la visière toujours bien enfoncée sur ses yeux noisettes. Agressive, prête à en découdre s’il le fallait, elle offrit un hochement de tête à l’arbitre, qui redressait le joueur en vert, pour souffler le retour au jeu. Visiblement, personne ne serait puni, dommage. Mais pour son effort, le défenseur fut récompensé d’une tape de la part de toute son équipe, un geste affectueux sur la glace. Touché un camarade sur la patinoire avait une signification positive, toujours et le sourire que Fitna offrit au garçon, l’était d’autant plus. Le sifflet repris à nouveau et elle s’élança à la suite du joueur adverse, le talonnant de près, assez pour l’agacer, assez pour qu’il cherche à lui donner un coup de coude, un accident bien entendu. Mais agile, et un peu fourbe disons-le, la jeune femme s’écarta plutôt pour que le joueur se retrouve tout près du second ailier de l’équipe : Majken. Le coinçant à deux, sans pourtant l’abîmer, les filles surent reprendre le disque et le relancé en direction inverse, là où se trouvait le but ennemi.

La stratégie de l’étranglement avait toujours des résultats intéressant, pourtant, tout le monde la connaissait, la façon de faire du duo féminin n’échappait pas aux yeux des autres. C’était toujours la chance qui leur sauvait la mise, le hasard selon certain, mais aussi l’attention des deux femmes. Parce que si on avait bien regardé, on avait été forcé de constater que les deux ailiers c’étaient fait un signe, profitant de la concentration du joueur, de son inattention quant à ce qui se tramait derrière lui. Au hockey, on ne pouvait pas que scorer, il fallait aussi se protéger, veiller sur sa personne, mais plus encore, sur la satanée rondelle, qui s’écartait vers la droite, forçant Fitna à la frapper, la cédant au joueur du centre, qui saurait mieux la contrôler. Parce que voilà, chacun au sein de l’équipe des Svarog possédait sa force et ce n’était pas à la capitaine que les disques les plus susceptibles méritaient d’être cédés, au contraire. Aussi, il avait été entendu que le disque serait soit porté par Majken ou le joueur du centre, pour être tiré dans le but des verts. Aussi, c’est en tentant d’écarter les joueurs adverses que Fitna suivait son collègue, suivit de près par sa meilleure amie, l’écume aux lèvres, le regard rageur, son bâton raclant le sol gelé pour renverser un joueur adverse ayant osé lui souffler quelque chose, des mots étouffés par le vent et bientôt un coup de sifflet, la brune se préparant à se jeter à la gorge de son ennemi, fier, bien qu’installé sur son arrière train. Un enfoiré en somme, qui méritait amplement que la Sznjerdmann en fasse de la bouillie, lui lacère le visage même, sauf que voilà, en tant que capitaine, il était tout simplement hors de question que Fitna la laisse faire. Rejoignant la furie que représentait dorénavant la plus petites des joueuses des Svarog, la rousse l’attira plutôt dans ses bras alors que l’arbitre redressait un sourcil. « Ça va, il ne l’a pas volé ! Le jeu peut reprendre ! » Si la jeune femme jappait ses ordres, c’était surtout parce qu’elle ne supportait pas l’attitude machiste des joueurs adverses. Oui, ils avaient un pénis et alors ? Elle considérait son entre-jambe tout aussi précieusement qu’eux, si seulement ils n’avaient pas eu une coquille bien en place, elle ce serait assurément faite un plaisir de sonner quelques cloches. Tant pis, le jeu allait reprendre, mais avant de reprendre sa position, sa main attrapa la nuque de son amie, pour cogner son casque contre le sien, « ils ne sont rien, rien tu m’entends ? Rien ! » Fronçant les sourcils pour secouer la tête, elle relâcha la petite brune pour patiner en vitesse jusqu’à sa position, décochant un regard sombre au garçon lui faisant face, pour sa part amusé. La partie allait devenir sérieuse. Si sur glace la Todorova était une joueuse comme une autre, membre d’un tout plus grandiose, elle n’en restait pas moins une lionne, une garce fortement attaché à celle que l’on venait de bafoué. On ne jouait tout simplement pas avec les nerfs de Maja, les verts avaient mal révisés leurs tactiques. Quelle bande de con.

La suite fut tout de suite plus violente, les corps se fracassant ensemble. Le violet s’étala au sol, mais se redressa, quand bien même le vert ricanait. La rage aurait voulu que le centre se venge, rende le coup qu’il c’était pris, mais au lieu de ça, il recracha, lui aussi, le sang lui envahissant la bouche, le plus loin possible. Pour les atteindre eux, pour ne pas le laisser goutter sur son propre uniforme. Les gants des joueurs violets se touchaient, s’encourageaient alors qu’ils tournoyaient autour des verts. Se transformant en vautour, éliminant finalement un joueur, sous l’accord de toute l’équipe. Est-ce que l’arbitre avait remarqué le regard échangé par toute l’équipe des Svarog ? Mystère, du moins il n’en dit rien s’il l’avait réellement remarqué, de toute façon, les faits étaient là, Majken venait de semer le chaos sur la glace en éliminant deux joueurs d’un seul coup. Son bâton gouttait doucement au sol lorsqu’on lui avait indiqué le banc de punition, mais le sourire que la capitaine des violets offrit à sa partenaire, valait toutes les punitions du monde. C’était bien joué, voilà ce que toute l’équipe se disait et les poings se tendirent pour toucher le sien, un signe d’unité, un signe qu’ils acceptaient tous ce geste. Ce n’était pas fairplay, mais les violets n’étaient pas connus pour être les plus à cheval avec les règlements. N’étaient-ils pas faits pour être violé ? Assurément ! Et puis avec deux joueurs contre un, ce n’était pas plus mal, le jeu repris, plus vicieux encore, des deux côtés. Les coups volaient, assez pour que la partie soit arrêtée à quelques reprises, c’était toujours ainsi, la haine montait d’un cran avec les périodes s’envolant. À la troisième, les deux équipes avaient toujours du mal à se faire face sans abandonner leurs gants sur la glace pour en venir aux mains, faute de pouvoir chercher des baguettes, interdites sur la patinoire. Plus les scores se valaient et plus la tension était palpable, or avec le même nombre de but, l’air était plus qu’électrique alors que le duo de fille Svarog glissait avec grâce sur la glace, tant mieux si leurs figures faisaient rire les verts, elles n’avaient rien à faire de leurs remarques pestés sur le terrain, entre deux souffles laborieux. Elles auraient dû aller troquer leurs équipements pour des robes et des collants ? Foutaise, elles avaient plutôt chacune un bâton et comptaient bel et bien marquer le prochain but, se faisant des passes, refourguant ensuite le terrible disque au centre, qui l’envoya directement dans le but, puisque fonçant déjà dans sa direction. La sonnette retentit et déjà, les deux filles se lançaient sur le pauvre centre, chutant sur ses fesses, hilare, bien qu’un peu sonné. Les verts pestaient déjà, mais il restait un peu de temps, un peu plus de frustration à évacuer, des coups à prendre, des vengeances à cracher sur les autres. Les fins de jeux étaient toujours d’une violence inouïe, mais Fitna les adorait pardessus tout, même quand les verts reprenaient le dessus, même quand elle se faisait plaquer sur la glace et que son sang chutait sur la glace. Elle n’aurait pas échangé de place avec qui que ce soit, par Venera non ! Il était temps de changer de tactique, celle offensive ayant déjà fait ses preuves, mais maintenant utilisée par les ennemis, il fallait passer en défensive et cesser de charger le but des verts.

La jeune femme se redressa, mais on indiqua rapidement le sang sur son maillot, aussi fut-elle envoyé sur le banc, non pas sans sentir les mains de ses coéquipiers lui frôler le corps. Son épaule gauche lui semblait déboîté, mais elle ne s’en plaindrait pas, hors de question, c’était les risques du sport. Aussi, la capitaine se contenta-t-elle de prendre place, hors du jeu, pour lancer tout haut, à son équipe : « protégez la maison ! » Déjà on hochait la tête sur le terrain, on souriait aussi, de l’autre côté, chez les verts. Fitna n’en avait rien à faire, elle ne songeait qu’à leur faire ravaler leurs sourires, tout comme eux, devaient rêver de leur faire enfiler leurs robes et leurs collants. Bande de misogyne ! En attendant, l’équipe que la rousse abandonnait, retirant lentement son casque pour mieux voir, pour être plus à l’affut, se préparait à mettre en œuvre un exercice pratiqué à plusieurs reprises au cours des mois passés : protéger le but. Le centre fut bien forcé de remplacer l’ailier droit, que l’équipe venait de perdre, protégeant les environs de la ligne rouge du côté des Svareng, secondé de Majken, qui faisait claquer son bâton sur le sol, prête à se prendre une punition aussi, pour peu qu’on vienne la chatouiller un peu. L’un des deux défenseurs veillait déjà sur le but et le gardien, nerveux comme pas possible, alors que le second défenseur s’approchait lentement, prêt à repousser le premier ennemi approchant et donc le numéro serait visible. La tactique allait fonctionner, elle le devait, sinon tout serait perdu et le violet devrait s’incliner devant le verts, comme le noir l’avait fait et ça, c’était tout simplement hors de question. Pas maintenant, pas après tout ce temps. Chacun était à son poste devant le regard angoissé de Fitna, alors qu’elle osait à peine respirer, marmonnant des directives rien que pour elle, en espérant que sa meilleure amie pourrait lire les pensées aussi, qu’elle comprendrait que l’ennemi allait trop vite, qu’il tentait de se forcer un passage et qu’il fallait les arrêter à tout prix, quitte à faire saigner quelques visages, mais pour ça, Fitna pouvait toujours compter sur sa meilleure amie. Il existait difficilement plus enragé que l’ailier gauche des Svarog, une rage pas toujours la bienvenu cela dit, une rage pouvant emporter le feu au mauvais endroit, ralentir un jeu ou le faire aller trop vite. Et lorsque le temps eut terminé sa course, que les verts poussèrent leur cri de joie, la capitaine violet se redressa lentement. La rage bouillonnait déjà à travers le tout que formait les Svarog, mais ils avaient perdus, ils n’avaient pas été assez rapide, pas assez fort, pas assez vif. En fait, c’est surtout les fautes qui leur avait couté cher, mais Fitna s’avança, sa main touchant d’abord la plus petite des joueuses violet, la secouant doucement pour que leurs regards se croisent, pour que le corps de la plus petite soit attiré par la plus grande des deux, alors que tout le groupe se rejoignait, pour se consoler mutuellement. Il ne restait plus qu’à féliciter les gagnants, soit les enfoirés leur faisant face, deux de leurs membres balançant déjà les hanches, offrant de consoler les membres féminins de leur équipe. À force de trainer avec des gagnants, elles pourraient devenir meilleures ? Fitna eut un sourire sans joie et plutôt que de serrer la main du capitaine adverse, Arvid M. Lindström, elle lui cracha au visage, attirant les éclats de rire derrière elle et les grognements de l’arbitre. Ce n’était pas fairplay, pas professionnel ? Elle décocha un regard dégouté aux garçons moqueurs lui faisant face : « ah, parce que bien entendu, vous avez été irréprochable. Bande de pauvres types, venez aux marches et on verra si vous en avez vraiment sous la ceinture ! » Et qu’importe leurs commentaires déplacés, la rousse n’eut plus rien à ajouter, sauf un « ouais ouais, tu viendras te battre, si t'es un homme Lindström ! », l’arbitre insistant sur l’idée que si elle ne changeait pas d’attitude, Fitna ne garderait pas très longtemps sa position de capitaine. Elle avait dit ce qu’elle avait à dire et son équipe la supportant, il n’y eut pas de serrement de main, les violets se retirant plutôt en se soutenant, en lançant des œillades noirs à leur ennemi immédiat : les verts, soit ce satané Lindström, une nouvelle cible à abattre. Aussi bien dire que d’ici une heure, toute l’équipe attendrait aux marches, pour voir si les Stribog avaient, oui ou non, des couilles. Mais plus que tout, c'est le capitaine, que la chef des Svarog attendrait. Il n'allait quand même pas avoir peur de se frotter à une fille, non ? Il n'avait pas intérêt !